jeudi 1 janvier 2009

Mes voyages phantasmatiques

Evabad : Capitale du Nalistan

Au-delà des cimes enneigées de la grande chaîne des Monts de Granit se trouve Evabad. La capitale légendaire du Nalistan qui se trouble en contrebas du cœur battant de lave rouge carmin du volcan Eilahtan qui ne se départi de son calme olympien que lorsqu’il est secoué de façon centennale de soubresauts fertiles. Ces éruptions révérées par les Nalistanaises ne se produisent que lorsque là terre exprime son intime besoin de se recouvrir comme un manteau des lapilli au gris nourricier. Mal nécessaire, comme l’homme, Mal porteur de vie comme l’homme, Mal qui apporte sa souillure autant que sa promesse d’avenir et de renaissance. Volcan, mâle nécessaire de la terre, qui n’apporte la paix et la prospérité qu’une fois éteint et consumé.
Le voyageur égaré du haut du promontoire est comme frappé par la situation incroyable d’une capitale qui au contraire de toutes les autres capitales ne semble pas vouloir attirer à elle les quatre vents du globe mais qui au contraire semble vouloir se faire oublier. Rester en elle, rester entre elle. Une capitale qui n’attend du pouvoir qu’elle a que le droit unique de n’être pas commandé à partir d’aucun autre lieu, ni en ce pays ni ailleurs. Une métropole qui n’a pas la prétention de compéter avec ses sœurs ennemis ou ses rivales mais juste d’aspirer à un repos et une tendre mélancolie joyeuse.
On n’accède d’ailleurs à Evabad, soit par le chenal, soit par le cheval. Le port s’étire au long du rivage, d’immenses grues en bois de rouvre éventrent et déshabillent en toute impudeur des bateaux, gabares et autres felouques déposant sur les quais, bois précieux de santal, senteurs ultramarines, marines qui comme partout ici ont remplacé les hommes qui n’existent plus. Tout se fait, tout se réussit et tout cela sans le moindre homme qui vive. Le pénitent, lui, privé de ses femmes depuis le début de son voyage, deux ans déjà, se sent comme rassuré par ce monde ou il n’est rien et où parce qu’il n’est rien il sait que l’on n’attendra rien de lui. L’angoisse primitive qui l’avait étreint en entrant, sacrilège, au Nalistan, celle d’être au mieux incongru, ou considéré comme menaçant voire lui-même menacé cette angoisse n’avait plus de sens à Evabad. Ici, la force et l’indépendante puissance des femmes de la Cité lui semblait tellement écrasante qu’il s’avait qu’elles n’auraient aucun besoin de l’écraser. La mouche vit en bonne intelligence avec le lion car le lion ne connaît pas de risque avec la mouche. Sortant de son songe, le pèlerin des steppes aperçu au loin un voilier gonflant ses voiles azurées frappé du macaron pistache étendard des bégums depuis la fondation de la dynastie. Des voiles non encore déployées mais déjà bouffies comme les joues d’un enfant. La coquille de noix hoquetante appâtait le regard du voyageur avant de s’élancer au-delà de la ligne claire de ses yeux. Le chenal était comme obstrué par un balai myrmidéen de bateaux fourmis s’affairant pour venir nourrir la reine des villes.
La Ville fut fondé sur trois monts… A l’est le plus haut d’un point de vue topographique. Le Mont Nali, siège du Palais des bégums c’est de ce point originel central de la cité et lieu de refuge maternel pour toutes les habitantes et voyageuses de passages en cas de gros temps sur mer comme sur terre que la Cité était née. Au centre le Mont Avé, la partie nouvelle de la ville y est sise. Les premières rondeurs des nouvelles coupoles s’élèvent sous le regard bienveillant des Matriarches. Enfin, à l’ouest, et même complètement à l’ouest parfois, bercé par un vent de candeur et d’insolence mêlés en tresse, se trouve le plus petit des Monts, le Nôn-Hôkh. Quartier populeux et plein de vie, c’est un joyeux désordre continuel, sarabande de falbalas en tous genres et pagaille irrévérencieuse qui oblige souvent la garde d’azur de la Bégum à venir cycliquement remettre de l’ordre dans ce joyeux capharnaüm.
Evabad, ville glorieuse, a pourtant une histoire tourmentée. Plusieurs fois détruite, plusieurs fois relevée. Gardant en mémoire l’inégalable et inébranlable modèle de splendeur, en regard duquel l’état présent de la ville ne manque pas d’arracher de nouveaux soupirs, à chaque mouvement d’étoile. L’Androcée du Mont Avé qui fut aux temps jadis le Palais du Grand Alexandre, n’est plus désormais, qu’un temple dévasté, un mur seul rappelle son emplacement, et là en silence viennent pleurer sur le dégel de tout un monde les Nalisataises qui viennent se lamenter aux terrasses des tavernes à l’heure du thé en croquant des gains de café torréfié en Habannie. La Bégum elle-même, belle et fière, serti de son sari de dignité et couronnée de ses blonds cheveux y passe furtivement à l’heure du chant des Earlgreys, sorte de créatures mi-héron mi-grue. Elle se sent, bien lasse, parfois, bien lâche, aussi, bien seule au fond, mais droite et noble elle ne laissera jamais s’échapper devant ses filles, devant son peuple, guère plus qu’une légère buée à la commissure de ses paupières. Ne cherchez pas sa peine, elle est bien trop profonde pour vous êtes accessible, aussi profonde que l’espoir qu’elle à de voir un jour se relever le temple, son temple.

à Nathalie, Eva et Eléonore

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